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Gouvernement de coalition, soutien sans participation, opposition… Le positionnement des droites face à Emmanuel Macron

Emmanuel Macron poursuit, mercredi 28 août, ses consultations en vue de nommer un premier ministre et doit recevoir, une nouvelle fois, une délégation des Républicains (LR) à l’Elysée, en fin de matinée. Contrairement aux composantes du Nouveau Front populaire (NFP), qui ont décidé de boycotter ce deuxième cycle de discussions, le parti de droite joue le jeu des discussions mais entend maintenir sa ligne de crête vis-à-vis du macronisme.
Dans le même temps, plusieurs voix s’expriment à droite quant au positionnement à tenir vis-à-vis du camp présidentiel, dans un contexte politique incertain, où aucun bloc n’a obtenu de majorité pour gouverner seul. Gouvernement de coalition, soutien sans participation, opposition résolue… Etat des lieux des différentes lignes en présence.
Porté par Laurent Wauquiez – redevenu député et élu à la présidence du groupe de La droite républicaine à l’Assemblée lors des législatives anticipées – et plusieurs caciques du parti, parmi lesquels Annie Genevard et le chef de file de ses sénateurs Bruno Retailleau, LR tient une ligne de crête vis-à-vis du bloc présidentiel, arrivé en deuxième position le 7 juillet.
Rebutés par tout gouvernement de gauche, à qui ils promettent la censure immédiate, les ténors du parti LR excluent toute participation à une coalition ou à un gouvernement avec les macronistes, dont ils fustigent le bilan, mais défendent une « ligne constructive », pour « empêcher le blocage du pays ». Une ligne que les 47 députés de droite ont tenue lors de l’élection du bureau de l’Assemblée nationale à la mi-juillet, en s’accordant en coulisses avec le camp présidentiel pour assurer la réélection de Yaël Braun-Pivet au perchoir – qui l’a emporté contre le candidat du NFP André Chassaigne, avec 13 voix d’avance – tout comme sur le reste des postes-clés de l’Hémicycle.
Les parlementaires LR ont poursuivi ce chemin en présentant, le 22 juillet, un « pacte législatif » qui ouvre de nombreuses convergences avec les macronistes. « Ce n’est pas une coalition gouvernementale : nous sommes indépendants et nous le resterons », a martelé M. Wauquiez lors d’une conférence de presse conjointe avec M. Retailleau. Ce pacte comprend treize textes, sur lesquelles la droite est « prête à s’engager » si le prochain gouvernement s’en empare, accordant la priorité à la revalorisation de « la France qui travaille » avec l’objectif de combattre « l’assistanat » ou encore en demandant « l’arrêt de l’immigration incontrôlée ».
Le parti garantirait en retour la non-censure d’un gouvernement construit autour du bloc présidentiel. LR laisse, par ailleurs, entendre que, sous certaines conditions, son groupe ne s’opposerait pas au prochain budget, enjeu crucial de l’automne. Mais LR a fixé deux lignes rouges : une hausse des impôts ou une non-revalorisation des retraites. Une position d’équilibriste encore défendue, vendredi 23 août à l’Elysée, par Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et Annie Genevard.
Parmi Les Républicains, quelques voix se sont toutefois levées pour se dire favorables à une potentielle coalition de gouvernement avec le camp macroniste. « Si l’on veut qu’il y ait ce changement, ça ne peut pas être un premier ministre issu du camp présidentiel qui doit aller à Matignon », a plaidé au lendemain des législatives Xavier Bertrand, le président de la région Hauts-de-France, dont les inimitiés et les lignes de fracture avec Laurent Wauquiez sont notoires.
Il a ainsi appelé à la formation d’« un gouvernement d’urgence nationale, avec Les Républicains, les indépendants, le camp de M. Macron et peut-être aussi des hommes et des femmes de bonne volonté qui veulent clairement que notre pays ne soit pas paralysé à l’Assemblée ». Alors que plusieurs noms du cercle du parti LR ont notamment circulé ces dernières semaines en coulisses, dont le sien, Xavier Bertrand a fait savoir par son entourage qu’il était « prêt à relever le défi » de Matignon, le 6 août.
De son côté, le député des Hauts-de-Seine Philippe Juvin (LR), a déclaré le 20 août se positionner, lui aussi, en faveur d’« une coalition de la raison ». « Aujourd’hui, il n’y a pas de solution idéale (…). Je crois qu’il faut un gouvernement qui assume d’être un gouvernement minoritaire (…) mais qui soit le plus large possible, [allant] des Républicains aux socialistes », a-t-il poursuivi.
Depuis 2022, Philippe Juvin est connu pour sa position « macroncompatible », plaidant publiquement pour une alliance de son camp avec le bloc central. Dans son département, l’ancien maire de La Garenne-Colombes a d’ailleurs été élu dès le premier tour aux législatives, dans le cadre d’un accord de non-agression avec les macronistes du département, dont le premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal.
Bon nombre de ministres et de cadres actuels du camp présidentiel sont issus des rangs des Républicains, à l’instar d’Edouard Philippe, Rachida Dati, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu ou encore Catherine Vautrin. Et continuent, malgré la rupture consommée, à appeler de leurs vœux à une alliance du camp central avec le parti de droite.
Le ministre de l’intérieur démissionnaire, Gérarld Darmanin, qui s’est rallié à Emmanuel Macron dès 2017 mais qui incarne l’aile droite du camp présidentiel, n’a pas attendu la présentation du « pacte législatif » de LR pour le faire savoir. Le 10 juillet, trois jours après les élections législatives et en l’absence de majorité pour chacun des blocs, il a affirmé : « Il pourrait y avoir un premier ministre de droite, ça ne me gênerait en rien. » Ce dernier s’est ensuite félicité des propositions faites par LR et a plaidé pour une « coalition d’idées » avec son ancien parti, qui permettrait au bloc central et à la droite de gouverner ensemble le pays, chacun en faisant des compromis tout en se retrouvant sur une « ligne politique » générale.
Autre personnalité éminente des Républicains, jusqu’à son ralliement au camp présidentiel en janvier pour rejoindre le gouvernement Attal, la ministre de la culture démissionnaire, Rachida Dati, a de nouveau appelé mercredi à une alliance entre la droite et le bloc central. « C’est la voie de la responsabilité », a-t-elle déclaré, ajoutant : « J’en appelle aux femmes et aux hommes d’Etat de ma famille politique à participer à cette coalition » mais aussi aux « sociaux-démocrates ».
De son côté, le président contesté du parti LR, Eric Ciotti, engagé dans une bataille juridique avec le parti après avoir noué une alliance électorale avec le Rassemblement national lors de la campagne des législatives, fustige ce « pacte législatif » présenté par LR, qu’il considère comme « une alliance avec la Macronie ». « C’est une marche de plus pour devenir les supplétifs d’Emmanuel Macron », a-t-il conspué dans une lettre adressée aux militants LR, à la fin de juillet.
Désormais allié de l’extrême droite sur les bancs de l’hémicycle et à la tête d’un groupe de seize députés baptisé « A droite », le député des Alpes-Maritimes défend, au contraire, ce qu’il présente comme une opposition résolue au camp présidentiel. « La seule alliance possible, c’est l’union des droites » − concept qui prospère depuis les années 1980 à l’extrême droite et qui vise à faire tomber le cordon sanitaire avec la droite −, a-t-il encore plaidé lundi à sa sortie de ses échanges avec Emmanuel Macron.
Marie Pouzadoux
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